"UN ASTICOT A LA CONQUETE DU MONDE"
Tel était le titre d'un article de Georges RAS paru en 1975 dans le journal "SUD-OUEST"
André Boisbelet St Médard de Guizières
Activités : Appâts pour la pêche, animaux conservés et vivants pour la pêche
Effectif : trente cinq employés permanents à St Médard de Guizières
Chiffre d’affaires : dix millions de francs en 1974 dont une part importante à l’exportation
André Boisbelet 45 ans est né en Gironde à St Médard de Guizières. Au bord l’Isle. Tout petit, c’était un passionné de la pêche. Le matin, le soir, le samedi, le dimanche, il n’en avait jamais assez. Bientôt, il connut la rivière comme personne.
« J’aurais pu établir une carte détaillée de tous les fonds de l’Isle, tellement je les connaissais » reconnaît-il trente ans plus tard.
Observateur, passionné, André Boisbelet fait la découverte de toutes les espèces de poissons, les mœurs de chacune.
Le brochet, le black-bass et la perche noire n’ont bientôt plus de secrets pour lui. Le coin est d’ailleurs célèbre parmi les pêcheurs : le bief de St Médard de Guizières n’est-il pas réputé pour le black-bass ?
André Boisbelet devient ainsi un pêcheur inégalable. A Paris, au quai de Bercy, alors que la pollution n’a pas encore tout tué dans la Seine, on le voit souvent en finale d’un championnat. Cela le servira quand il inventera « DUDULE ».
« A St Médard de Guizières, dans la grand-rue, dit-il, mes parents avaient une petite boutique de matériel de pêche. Moi, j’ai toujours pensé fabriquer des appats ».
A 24 ans il se lance (c’est le cas de le dire). Il se trouve qu’à l’amour de la pêche, il joint un sens commercial inné et un don pour la publicité. Son catalogue en seize pages couleur est un modèle d’humour. Très vite il trouve le slogan : « Avec Dudule, le poisson pullule ». Ses appâts seront rapidement aussi connus que Blanche-Neige, Tintin ou Grominet. Avant les départs en vacances de 1970, il aura même l’idée de faire distribuer des bons gratuits pour ses produits à la sortie des usines Renault à Billancourt.
TOP SECRET
« Avant , dit-il, les fabricants d’huile de colza du bassin de la Loire se contentaient de vendre tels quels leurs résidus. Moi, j’en ai fait des matières premières ». Tous les appats qu’il va expédier dans toute l’Europe et jusqu’au fond de l’Asie, il les a essayé lui-même. Progressivement, André Boisbelet affine sa technique. « L’essentiel, estime-t-il, est de ne pas gaver le poisson. Il faut qu’une partie de l’appât se dilue dans l’eau de la rivière et constitue pour lui un appel. Et puis une partie doit rester au fond, sur place. » Sur les couleurs et les saveurs que chaque espèce préfère, André Boisbelet pourrait écrire un ouvrage. Il préfère garder ses secrets.
Vers 1950, au démarrage, le jeune homme n’a aucun moyen. Il ne fabrique qu’un seul appât. Un retraité de la SNCF travaille avec lui dans un petit hangar pompeusement appelé « l’usine ». La première commande extérieure qui vient de Béziers a failli mal tourner. Tous les appâts sont prêts mais les cartons qu’on devait lui livrer n’arrivent pas. Va-t-il perdre bêtement son premier client ? Non. Il improvise, achète quelques caisses de bois et expédie le tout.
Aujourd’hui, André Boisbelet fabrique plus de 200 sortes d’appâts. Le slogan est maintenant « Un appât pour chaque pêcheur, un appât pour chaque rivière. » ou bien « Avec Dudule …le poisson pullule » ou encore « Faites l’amour avec la pilule ….mais allez à la pêche avec Dudule »
Après le Sud-Ouest, toute la France est conquise. Il y a quelques années une commande de cent cartons était considérée comme une manne céleste. A St Médard, le stock moyen est aujourd’hui de 15.000 cartons. Plus de 10.000 paquets sont expédiés chaque jour après ensachage automatique. Boisbelet-Dudule s’est adapté aux pêcheurs du dimanche du genre bon enfant, peu exigeants. Puis aux pêcheurs de concours plus tatillons, plus exclusifs qui veulent tous une « amorce spéciale ». Dans l’atelier de St Médard, on voit couramment broyer du cacao, griller des grains de maïs. Le lait en poudre voisine avec l’arachide et l’orge, avec le chènevis sans oublier l’inimitable «graine du Levant » une grande spécialité d’André Boisbelet, tout comme son « Dudulokoff » à base de gruyère et d’œufs de poisson. A voir les employés mélanger, peser, ensacher tout cela, on se croirait dans une épicerie fine.
La grande percée d’André Boisbelet, c’est tout de même vers 1960, le passage aux animaux conservés avec prise de brevets. La production augmente alors de façon foudroyante.
VERS DE MER, SANGSUES, CREVETTES
« Ces animaux explique-t-il doivent avoir plusieurs qualités : conservation indéfinie, garder leur souplesse et leur couleur » Alors commence une offensive tous azimuts. Les vers de terre ? on les élève ici . Mais les vairons viennent du Jura : plus de trois tonnes par an !. Les vers de mer ? C’est finalement dans le Calvados qu’André Boisbelet a trouvé les meilleurs. Chaque semaine un ménage lui en fait une expédition. Pour les sangsues, ce fut plus difficile. Actuellement elles viennent de Tchécoslovaquie mais aussi d’un élevage du bassin d’Arcachon. La maison propose aussi des escargots conservés ; ils viennent du coté de Nice. Les crevettes ne posent aucun problème, plusieurs ports en fournissent. Pour les grenouilles, c’est plus délicat. La région bordelaise est une source d’approvisionnement mais c’est surtout la Vendée qui ravitaille St Médard.
Tout cela est préparé, expédié méticuleusement. Un ordinateur traite les fiches de commandes. Et ça part aux quatre coins du monde. Les seuls animaux conservés représentaient l’an dernier plus de 2 millions de francs lourds soit 20 % d’un chiffre d’affaires qui dépassait es 10 millions de francs. Quand André Boisbelet a déclaré au percepteur un tel chiffre, celui-ci n’a pas voulu le croire. Tout ça avec des asticots ! C’était une plaisanterie. Le brave homme ne savait pas que la France compte à elle seule 5 millions de pêcheurs à la ligne dont plus de 500.000 dans le Sud-Ouest.
« Nous avons progressivement développé explique maintenant le père de Dudule, un service des animaux vivants pour la France et pour l‘étranger. La cadence est souvent affolante surtout en été. Dans l’année nous faisons partir plus de 450.000 petits pots (genre yaourt) plein de vers de terre ou d’asticots.
LEZARD VERT CONTRE VER DE TERRE
Pour les PTT locales, c’est un pactole : Dudule leur paye à lui seul 90.000 francs actuels. Il donne largement plus du double à la SNCF. Oh bien sûr, il arrivait ces dernières années, en été, que le « Lézard vert » (le rapide Bordeaux-Lyon) fut bloqué quinze ou vingt minutes à la traversée de St Médard par les chargements en gare d’asticots ou de vers de terre d’André Boisbelet. « Dudule nous emmerde » maugréaient alors les habitués de la ligne. Ca n’allait pas plus loin.
C’est qu’en fait André Boisbelet fournit et assure du travail à un nombre incroyable de gens. Surtout depuis qu’il a pris l’habitude d’aller tous les dix-huit mois faire un tour à Formose, en Corée et surtout au Japon. Ce qui lui a permis de se faire sur place de nouveaux clients et amis. De là-bas, il ramène toutes sortes d’articles de pêche extraordinaires : des cannes à 12 ou 15 brins très rares qui se plient et se mettent dans la poche. Non seulement il exporte mais maintenant il importe pour mieux réexporter.
Trente cinq personnes sont employées en permanence à l’usine de St Médard. Le ramassage des vers de terre vivants assure en moyenne 2000 francs par mois à une trentaine de ménages qui en sont responsables ou à des occasionnels. « On ne compte plus dans le pays les machines à laver qui sont payées par mes vers de terre » dit en riant André Boisbelet. Celui-ci emploie en outre trois chauffeurs de camions et treize VRP. Ne livre-t-il pas lui-même jusqu’en Italie, Hollande ou en Allemagne ?
En été, l’usine embauche une dizaine d’étudiants. Le Centre des jeunes handicapés mentaux de Libourne trouve ici un appoint financier non négligeable : une trentaine de ses jeunes assemblent des plioirs tout équipés (fil, plomb, hameçon etc .) A quoi il faudrait ajouter tous les producteurs, éleveurs ou ramasseurs des autres régions. Ainsi que les sous-traitants répartis dans toute la région et au-delà. Au total plus de 150 personnes, peut-être même le double, travaillent et gagnent leur vie grâce à l’imagination inlassable d’André Boisbelet.
ENVERS ET CONTRE TOUT
Malheureusement, aujourd’hui ce n’est plus seulement avec ses clients ou fournisseurs italiens, allemands, japonais, tchécoslovaques ou coréens qu’André Boisbelet doit se battre. Pendant les trois ou quatre heures que j’ai passées chez lui, à l’usine de Saint Médard, nous avons uniquement communiqué avec lui par des notes et de petits bouts de papier que l’un de ses adjoints ou moi-même nous rédigions avant de lui passer. Victime d’antibiotiques aux effets imprévus, André Boisbelet depuis plus de dix-huit mois n’entend strictement plus rien. Ce qui ne l’empêche pas de parler et plaisanter tout à fait normalement. (Il attend, semble-t-il la réalisation de certains appareils qui devraient lui rendre l’ouïe.)
Cet accident insupportable pour un homme débordant de vitalité, il l’assume avec beaucoup de cran. Son dynamisme, sa volonté créatrice n’en sont pas affectés. Simplement, il se bat actuellement sur deux fronts à la fois. Avec le même sourire. Avec le même courage «
Reportage réalisé par Georges RAS journaliste à « SUD-OUEST » en 1975
Ce blog contient 20 pages
AVEC l’APPAT DUDULE..…. le poisson pullule
Dudule, Saint-Médard-de-Guizières. 134 likes · 72 talking about this. Si vous êtes passionné par la pêche au coup ou faite partie d'une école de peche...
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AUJOURD'HUI LA SOCIÉTÉ DUDULE EST DIRIGÉE PAR LILIAN DEGENETEZ (groupe ASTUCIT IDEAL-FRANCE) "Lapouyade" SAINT MEDARD DE GUIZIERES 33230 Cliquer sur le lien ci-dessus